AcaMedHo

Ce que je crois

Introduction

Extrait de l’infolettre n°10
Publication : Avril 2016

« Voilà sans doute un des enjeux majeurs de la médecine moderne : se laissera-t-elle submerger par la si fascinante techno-scientificité ou restera-t-elle aussi cet art de penser l’intériorité humaine et en tout cas d’en tenir compte ? »

Pour avoir tenté de tenir compte (étrange locution dans une période où tout se comptabilise, même ce qui n’a pas de prix : la réalité du service rendu au malade) de ce qui faisait le malade, à la fois la maladie dont il était atteint, mais aussi la souffrance intérieure qui l’habitait de par sa maladie, peu à peu s’est instaurée une autre médecine dans mon exercice. À force de remise en questions, de recherche de plus de pertinence technique, mais aussi de plus d’humanité, d’autres perspectives me sont apparues.

Sans doute n’ai-je pas été toujours habile et ai-je tâtonné parfois, mais n’est-ce pas le propre des choses lorsque l’on essaie d’explorer cette « terra incognita » qu’est la nature humaine ? Car au fond, il s’agissait bien de cela : tenter de prendre en compte l’être humain en souffrance dans toutes ses dimensions, pas seulement dans sa part visible et mesurable, mais aussi dans sa part invisible et incommensurable. Toujours est-il qu’au bout de plus de trente années de cette exploration incessante, consistant à tenter de saisir ce qui s’exprime dans toute maladie, à tenter d’aller à la rencontre de la réalité de la souffrance de chacun, à prendre le temps de mes propres questionnements sur la pertinence et l’humanité de mon service de médecin, à interroger ma propre intériorité à chacune de mes souffrances d’existence, à tenter de donner sens à mes propres maladies (eh oui, j’en ai eu aussi) , j’ai la conviction – depuis mon expérience d’homme et de médecin – que le prochain progrès de la médecine ne viendra pas d’une énième nouveauté « technico-scientifique » (à qui l’on doit déjà tellement). Non, elle viendra du courage de chacun de répondre à cet enjeu de faire de notre exercice médical un art du soin, du prendre soin de l’autre. Ce qui devra, de façon incontournable, nous faire prendre en compte le « mystère » de l’intériorité humaine, c’est-à-dire de la nature humaine dans sa globalité.